“Porteurs d’eau”

Cette histoire-ci n’est que mon histoire – ma perception d’une rencontre si brève que j’ose à peine l’appeler par ce nom.  Voilà donc une histoire.

Sortis du car touristique orange et trois fois la taille qu’il nous fallait, nous nous joignions  à d’autres touristes sur la Place Mohammed V, à Casablanca.  D’autres touristes qui se faisaient  photographier à côté des “porteurs d’eau berbères;  ces hommes habillés en rouge que les chapeaux multicolores et les cloches et coupelles en cuivre rendaient autrefois visibles et identifiables de loin. Autrefois , le métier de porteur d’eau était important car dans les souks et sur les routes leurs gourdes en peau de chèvre désaltéraient ceux qui, autrement, n’auraient rien eu à boire. Et ce pour quelques dihrams. De nos jours, à l’époque de la bouteille en plastique, ils gagnent leur vie autrement – les quelques dihrams viennent de la vente, non pas de l’eau (ce jour-ci leurs gourdes étaient  plates, visiblement vides d’eau) mais de l’image de ce métier traditionnellement noble qui représentait l’hospitalité – le soin que l’on prenait de l’autre, qui qu’il soit.

Notre car se vidait de touristes américains, parlant anglais et prenant des photos de tout et de rien et les porteurs d’eau se mettaient à côté de certains d’entre nous de façon assez agressive.  Une fois la photo prise, il fallait évidemment payer ou bien subir quelques commentaires désaprobateurs.

A Casablanca
A Casablanca

Ils ne se sont pas approchés de moi mais j’ai néanmoins remarqué  avec tristesse leur vaines tentatives d’attirer plusieurs de mes collègues pour les « photos ». J’ai donné quelques dirhams à l’un d’entre eux et je suis montée dans le car pour prendre ma photo. Il trouvait sans doute mon comportement bien étrange…. mais je ne pouvais m’empêcher de songer à ce métier qui,  parmi tant d’autres,  se voit dépasser par la modernité et qui se perd da une poignante mascarade.  Oui, ils ont besoin de travailler dans cette économie.  Je ne leur fais pas de reproches.  Je ne ressens pas de pitié non plus – ce serait déplacé car que puis-je savoir de leur vie?  Si seulement ils avaient eu des gourdes pleines comme l’ont parfois, paraît-il, certains de leurs collègues sur cette place… De toute façon, je n’aurais pas osé boire…

Place Mohammed V, Casablanca en 360