Un tatouage au henné dans le petit salon

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J’avais rencontré Samira tout à fait indirectement aux US ; je connaissais la qualité de son travail intellectuel et j’avais écrit une lettre de soutien pour un de ses projets. Six mois plus tard, quelques jours avant notre arrivée dans sa ville natale de Fès, j’ai eu la bonne idée (tardive) de lui envoyer un petit mél, au cas où elle serait au Maroc : « Non, mais ma famille veut absolument te rencontrer ! » Son père et l’une de ses soeurs sont alors venus me chercher à l’hôtel à Fès pour m’accompagner chez eux, et après un déjeuner somptueux (qui mériterait à lui seul un essai !), nous sommes passés au petit salon pour une session de henné.

 

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Quelle élégance discrète ! Ce petit salon adorable qui se trouvait en face du grand salon à trois pièces était intime et chaleureux. On m’avait indiqué dans l’un des nombreux méls échangés avant ce beau jour qu’une session de henné se préparait pour fêter les 4 ans de mariage d’une des filles de la maison, et que je pourrais y participer. Donc, je savais un petit peu ce qui se préparait, mais l’ambiance m’a étonnée par sa douceur et sa convivialité. Nous sommes tous rentrés dans la petite pièce, Monsieur et Madame, les trois filles adultes, l’un des maris, et une petite fille. « La présence des hommes, m’a-t-on expliqué, ne fait pas partie de cette tradition millénaire mais nous sommes quand même au vingt-et-unième siècle ! »

Deux femmes, une dame et une jeune fille, se sont levées quand nous sommes entrés. On les a saluées et, ne sachant pas qui elles étaient, je leur ai serré la main – ce qui n’était probablement pas la chose à faire, cette dame étant là pour superviser son apprentie qui allait nous faire le henné… mais enfin, mieux vaut avoir été trop polie que pas assez. Nous nous sommes assis autour de la table ronde couverte de petits gâteaux, de dates, d’amandes, avec un beau service à thé et des verres… « Ou préféreriez-vous un café? »

130615 Fes - 114 - Version 3 Puis la jeune dame qui fêtait son anniversaire de mariage a choisi un dessin tiré d’un petit livret de motifs pour ses mains et ses pieds, pendant que son mari me montrait les photos du mariage, y compris la cérémonie de henné (extraordinaire) qui l’avait précédée : « La mariée ne bouge presque pas, pendant des heures… c’est l’occasion de se reposer ! » Le père enchaîne : « Pour ce mariage, elle a porté sept robes différentes, qui représentaient les différentes régions du pays. Et le marié, il est entré dans la salle de mariage à cheval. Nous avons fait venir des habilleuses, des porteurs et il y avait 300 invités. » L’une des sœurs a mis de la musique marocaine – sur son Mac. « Autrefois, m’a-t-elle expliqué, il y avait des musiciens, mais enfin, c’est presque pareil, ça crée l’ambiance ! »

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L’apprentie a fait le tatouage de la “mariée”, de l’enfant, d’une autre sœur, et puis c’était mon tour. Une main suffit, oui. La main droite, évidemment.

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Entre temps, une domestique a apporté l’encensoir dans lequel les braises chauffaient déjà. Madame a sorti de son sac un petit morceau d’encense soigneusement emballé dans du 130615 Fes - 117 - Version 2papier, l’a mis dans l’encensoir et y a versé un peu d’eau de fleur d’oranger. La fumée délicate embaumait la pièce et Monsieur, qui devait s’ennuyer quelque peu, nous a fait rire en mettant de la fumée sous ses bras.

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Ai-je oublié de dire que nous remangions déjà – des petits gâteaux, des dates des amandes. Je crois que les cornes de gazelle sont encore mes préférés.

IMG_4180Je me suis régalée en goûtant le sellou (le sfouf), un dessert que l’on confectionne surtout pendant le Ramadan. Fait avec de la farine grillée, du beurre, du miel, du sésame et des amandes ou d’autres noix, il ressemble à une sorte de pâte aux noix dans une grande assiette creuse. Délicieux et très nourrissant.  Et on prend un chewing-gum (de la marque marocaine « Flash ») pour se rafraichir la bouche. «Encore un peu de thé ?»

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Nous n’avons pas bougé pendant que le henné séchait – nous n’en avions ni le besoin ni l’envie. On tamponnait de temps en temps le henné sur nos mains avec du thé et de l’eau sucrée « le mouillant pour mieux le fixer, pour que la couleur prenne mieux et dure plus longtemps. »

 

Nous parlions de l’Islam et d’un pèlerinage à la Mecque, des études et de la vie à l’étranger, mon séjour au Maroc et mon fils, qui va apprendre à jouer de l’oud si j’arrive à le ramener intacte aux US. Tout le stress de mon voyage s’évaporait avec l’eau sucrée sur le henné … cette immobilité « imposée » fut un moment de repos complet. L’harmonie des mosaïques, les couleurs, les parfums, la musique, la conversation, tout tournoyait comme l’empreinte des arabesques sur ma main : je ne me sentais plus étrangère.